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de tous, il faut, pour ne pas choquer les autres, que l’apothéose ait lieu à huis clos.

Malgré le bon goût de Nodier et la finesse de son esprit, ce n’était pas la crainte de partager le ridicule qui l’empêchait de partager l’enthousiasme. Est-ce que le ridicule peut exister à présent ? Il résultait jadis d’une infraction aux lois de la société, lois tacites, mais acceptées comme règles du bon goût, de la délicatesse et de la raison ; maintenant, la mode étant de se moquer de toute loi, en commençant par celle du bon sens, les ridicules seraient innombrables s’il y avait encore quelqu’un pour s’en moquer.

Nodier en riait bien encore parfois avec ceux qui avaient assez de raison pour tout apprécier. Un soir, au moment où il quittait les cartes, je lui dis en souriant :

— Aimez-vous donc réellement le jeu ?

Il me regarda avec cette finesse gracieuse qui lui était habituelle, et me répondit à voix basse :

— Si j’aime le jeu ? il faudrait que je fusse bien ingrat pour ne pas l’aimer ; un défaut qui m’est plus utile que ne me le serait une qualité, la sincérité.