Page:Ancelot - Les salons de Paris : foyers éteints.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cours des plus attendrissants : c’était un éloge, des regrets, des bénédictions et des larmes sur le père de famille, l’homme de talent, l’homme de bien, l’ami qu’il venait de perdre. Il y eut bien un peu d’étonnement de la part de ceux qui étaient autour de lui ; mais Bouilly pleurait si bien, qu’il leur fit verser des larmes, et tout se passa convenablement. Seulement, quand il eut fini et qu’il chercha ses amis pour recueillir les éloges auxquels son éloquence avait droit, il ne vit que des visages qui lui étaient complétement étrangers et qui n’exprimaient plus que la surprise ; car le mort dont il avait célébré les vertus de famille était toujours resté garçon, et ses talents si vantés s’étaient bornés à la vente de denrées coloniales. L’orateur s’était trompé de convoi, et son éloquence et ses larmes avaient coulé sur la tombe étonnée d’un mort inconnu !

Bouilly, avec sa haute taille, son cou penché et son allure singulière, rôdant au milieu d’un salon et s’arrêtant à des groupes de causeurs qu’il dominait de toute la tête, avait été comparé à un dromadaire au milieu d’une caravane. Cette comparaison eût pu se faire aussi d’un homme que je