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pu être assez bien dans sa jeunesse, mais si insouciant de toute chose qui ne lui était pas personnelle, que cette insouciance était pénible à voir, ainsi que sa gaieté ; j’éprouvais une involontaire répulsion pour cet homme qui se refusait si obstinément à faire un peu de bien, et qui se montrait complétement insensible au malheur.

Ce n’est pas que la sensiblerie extérieure me fût fort agréable, et la société de la duchesse d’Abrantès en offrait un modèle qui ne me plaisait guère, car ce bon M. Bouilly, comme on l’appelait, me donnait autant d’envie de rire, avec ses perpétuelles émotions, que M. d’Aligre m’attristait avec sa constante insensibilité.

Bouilly a quelquefois pourtant touché juste au cœur des autres dans des drames qui ont ému la foule, notamment dans l’Abbé de l’Épée, les Deux Journées et Fanchon la Vielleuse ; mais, si ses comédies faisaient pleurer, sa manière d’être constamment attendri était très-risible : il racontait sans cesse des événements malheureux, ou plutôt il trouvait de quoi s’affliger dans les choses les plus ordinaires de la vie. Si le marquis d’Aligre riait en parlant d’une condamnation à mort,