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CHAPITRE II


Conséquences de la constitution nationale de l’Église orthodoxe. — Ingérence du pouvoir civil. — Comment l’intimité de l’Église et de l’État a plutôt été un obstacle à la liberté intellectuelle et à la liberté politique. — De l’emploi d’une langue nationale dans la liturgie. — Le slavon ecclésiastique. — Ses avantages pour la nationalité, ses inconvénients pour la civilisation russe. — En quel sens l’orthodoxie orientale occupe une situation intermédiaire entre le catholicisme et le protestantisme. — De l’Écriture et des Sociétés bibliques en Russie. Les deux courants qui se disputent l’Église russe.


La constitution nationale des églises du rite grec a eu pour première conséquence l’ingérence du pouvoir civil dans leur sein : indépendante de toute autorité étrangère, chacune d’elles l’est moins de l’État. C’est là un phénomène général dans tous les pays orthodoxes, dans la démocratie grecque aussi bien que chez l’autocratie russe. À cet égard, la situation de la Russie n’est nullement différente de celle des pays de même foi ; seulement, le gouvernement étant plus fort, le lien qui lui rattache l’Église est plus étroit. La religion, ne pouvant s’isoler du milieu politique, s’est, comme toutes choses en Russie, ressentie de l’atmosphère ambiante. L’Église russe a été tout ce que peut être une Église nationale dans un État autocratique.

Les destinées de l’Église byzantine, sous le Bas-Empire, présageaient celles de sa fille. À Constantinople aussi, le pouvoir impérial se faisait sentir jusque dans le sanctuaire, et la main de l’autocralor grec, sous les Comnènes par exemple, se montra souvent plus lourde et plus indiscrète que ne le fut jamais celle des tsars.

À la plupart des Russes, comme à beaucoup d’Occiden-