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sujet du tsar, le patriarche byzantin redeviendrait vraiment le patriarche œcuménique.

Pour demeurer unies de foi et de communion, les différentes Églises de l’orthodoxie n’ont pas besoin d’un centre commun. L’immutabilité du dogme en assure l’unité. La foi traditionnelle ne recevant ni accroissement, ni diminution, les Églises qui la professent ont pu se passer de toute autorité internationale, pontife ou synode, congrès permanent ou périodique. Le lien de la communion ne saurait guère être rompu, comme entre les Grecs et les Bulgares, que par des querelles de juridiction qui le laissent bientôt renouer. Cette organisation de l’Église, par peuples et par États, a, selon les panégyristes de l’orthodoxie orientale, l’avantage de concilier deux choses ailleurs séparées : l’unité religieuse et l’indépendance ecclésiastique, l’œcuménicité ou catholicité et la nationalité. Ils se flattent d’échapper ainsi à ce qu’ils appellent le cosmopolitisme romain, sans tomber dans ce qu’ils nomment l’anarchie du protestantisme[1]. En Russie, les slavophiles étaient assez épris de cette constitution du christianisme gréco-slave pour y voir le germe de la rénovation religieuse de l’Europe, comme, dans la commune à demi socialiste de la Grande-Russie, ils prétendaient avoir découvert l’instrument de notre rénovation économique. Aux yeux de l’histoire, la nationalisation des Églises orientales a fait leur faiblesse en même temps que leur force. Nulle part cela n’a été plus manifeste qu’en Russie.



  1. Voyez par exemple une étude de M. Thœrner dans le Recueil des Sciences politiques de M. Bezobrazof (Sbornik gosoud. Znanii, 1876)