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réciproques des États et des nationalités de l’Orient ne sont point définitivement fixées, l’Église orthodoxe reste, par son principe même, exposée à de semblables schismes ; mais ces schismes n’ont de religieux que l’extérieur. Ce ne sont en réalité que des scissions politiques de nature essentiellement locale et temporaire.

Ces ruptures passagères n’empêchent pas la Russie, les petits États chrétiens de l’Orient, les Églises orthodoxes de l’Autriche-Hongrie et les anciens patriarcats de prétendre ne former qu’une Église. Ils en ont le droit ; leurs querelles intestines ne sont que des guerres civiles. Les peuples orthodoxes appartiennent à la même confession, mais le lien qui les unit n’est pas aussi étroit que celui qui enchaîne les contrées catholiques. L’Église russe et ses sœurs ont l’unité de dogme et de croyances sans l’unité de gouvernement. Grande ou petite, chacune garde son administration, son rituel, sa langue liturgique. Le lien spirituel de la foi est le seul qu’elles connaissent ; pour elles, une communion internationale n’exige point de juridiction internationale.

Les patriarches et les métropolitains des divers États se bornent à se notifier leur avènement et, au besoin, à correspondre entre eux, à se consulter. L’unité dans l’obéissance de l’Église romaine fait place, chez l’Église orthodoxe, à l’union dans l’indépendance réciproque. D’un côté, c’est une monarchie unitaire et absolue, de l’autre une confédération où aucun pouvoir central permanent ne gêne l’autonomie de chaque État particulier. Pour amener toute l’Église orientale sous une autorité unique, il ne faudrait rien moins que l’unification politique de l’Orient. Il faudrait, comme on l’a parfois rêvé à Moscou, l’annexion de tous les peuples orthodoxes à la Russie. Alors, devenu

    même pied que les autres Églises autocéphaies. Jusqu’en 1883 le clergé roumain faisait chaque année venir « le saint chrême » de Constantinople, et le patriarcat eût voulu maintenir cet usage comme une sorte de marque de suprématie.