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tine se subdivisait, se morcelait par nations. Les peuples, comme les Russes, conquis au christianisme par les Grecs, ne furent point, pour Constantinople, des provinces éternellement destinées à la sujétion ou au vasselage ; ce ne furent que des colonies religieuses, gardant chacune leur langue et leurs usages, reliées à la métropole par un lien de plus en plus lâche pour s’en émanciper un jour complètement.

Dans l’orthodoxie grecque, il n’y a point de siège perpétuellement désigné comme centre de l’unité. Si, aujourd’hui encore, l’Orient ne conteste point la primauté de la chaire romaine, si la nouvelle Rome ne dispute point la préséance à l’ancienne, les Orientaux n’en reconnaissent la juridiction à aucun degré. Selon leurs théologiens, c’est comme première et seconde capitales de l’empire romain que Rome et Constantinople eurent la primauté, l’une en Orient, l’autre en Occident et dans le monde entier. À leurs yeux, le pontife romain n’est que le patriarche d’Occident ; et la suzeraineté qu’ils lui refusent sur toutes les Églises, ils ne sauraient l’accorder à perpétuité à aucun de leurs patriarches. Le titre d’œcuménique, assumé par le siège de Constantinople, correspondait aux prétentions impériales et n’avait de réalité qu’autant qu’il était soutenu par l’autorité des empereurs. Ne pouvant asseoir sa suprématie sur l’héritage du chef des apôtres, l’Église byzantine devait tôt ou tard, de force ou de bonne grâce, sanctionner l’émancipation de ses filles spirituelles.

L’Église russe a été la première à établir son indépendance ; son exemple a été suivi de tous les États orthodoxes, Grèce, Serbie, Roumanie. Pour ces derniers, comme pour l’ancienne Moscovie, la dépendance où la Porte Ottomane tient le Patriarcat n’a été que le prétexte du rejet de la suzeraineté ecclésiastique de Constantinople. En se fractionnant avec les divisions politiques, l’Église orientale ne fait qu’obéir à son principe, comme Rome obéit au sien en tout centralisant. La juridiction du patriarche de Con-