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des Slaves de l’ancienne Turquie ou de l’Autriche-Hongrie. Dans cette Église, originairement tout hellénique et que nous appelons encore du nom de grecque, le nombre a passé aux Slaves, et la civilisation, comme la puissance, donne le premier rôle à la Russie.

On a souvent vu dans le catholicisme la forme latine du christianisme, dans le protestantisme la forme germanique ; les Russes aiment à regarder l’orthodoxie comme la forme slavonne. Il y a, au moins, cette différence qu’au lieu de se la façonner à eux-mêmes, les Slaves, selon leurs habitudes d’emprunt, ont reçu d’autrui leur foi toute faite ; par suite, ils se sont presque également partagés entre les deux Églises rivales.

La vérité est que la religion a coupé en deux le monde slave. À prendre l’histoire, l’orthodoxie orientale n’est pas plus slave que le catholicisme romain. Le Russe, le Serbe, le Bulgare en ont-ils fait leur culte national, le latinisme n’a guère été moins national chez les Polonais, les Slovènes, les Croates, voire même chez les Tchèques. Des Slaves d’ordinaire regardés comme foncièrement orthodoxes, il en est qui ont longtemps flotté entre Byzance et Rome. Ainsi naguère, sur le sol russe, les Ruthènes ; ainsi, au temps de leur grandeur, les Bulgares. Si, parmi les Slaves contemporains, la supériorité numérique appartient au rite oriental, la cause n’en est nullement une secrète sympathie de race ; elle est tout entière dans la géographie et la politique. Il n’y a guère là qu’un phénomène de gravitation. Comme des corps attirés en sens contraire, les Slaves d’Orient et les Slaves d’Occident, en allant les uns à Sainte-Sophie, les autres à Saint-Pierre, n’ont fait qu’obéir aux lois de l’attraction.

En dépit des doctrines en vogue à Moscou, les Slaves catholiques sont aussi Slaves que les Slaves orthodoxes.

    russes, mais, comme nous le verrons, le chiffre est difficile à déterminer, et la plupart sont en révolte contre l’Église officielle de l’Empire plutôt que contre l’Église orthodoxe.