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des ateliers d’apprentissage de divers métiers pour les enfants israélites. Il ne saurait, malheureusement, suffire de l’instruclion technique pour tirer de la misère les artisans juifs. Trop nombreux pour les besoins de la population urbaine ou rurale de l’Ouest, ils sont le plus souvent victimes de l’inexorable loi de l’offre et de la demande. Ils se font les uns aux autres une concurrence meurtrière, dont l’ouvrier chrétien ne souffre pas moins qu’eux. Le plus grand nombre travaillent à des prix dérisoires. En peu de pays la main-d’œuvre est plus basse. Aussi les neuf dixièmes de ces Juifs de Russie sont-ils de pauvres exploiteurs. Entassés dans d’étroits et fétides logements, sans jour et sans air, souvent plusieurs familles dans la même chambre et des familles presque toujours nombreuses, ces maigres Juifs, mariés à vingt ans, sont en proie à tous les maux et maladies de l’indigence. Leur âme et leur corps ne résistent à l’action délétère de l’extrême pauvreté qu’à force de sobriété, de ténacité et de religion.

La vérité est que les Juifs étouffent dans l’enceinte légale où ils sont enfermés. Pour vivre, ils auraient besoin qu’on leur ouvrît des pays où la demande pour le travail urbain et les professions bourgeoises fût plus considérable. Il y a dans tout l’Ouest un excédent manifeste de commerçants, de petits boutiquiers, de petits artisans, qui souvent font défaut dans le centre ou l’Est de l’empire. Prenez une carte de Russie : dans la région où résident les Juifs, les villes, en grande partie peuplées par eux, se pressent en bien plus grand nombre que dans les régions de l’empire qui leur sont fermées. Rien qu’à considérer les tableaux statistiques, il saute aux yeux qu’il y a là un manque d’équilibre, une répartition artificielle de la population urbaine, retenue dans les provinces de l’Ouest par la loi, comme par une digue qui l’empêche de se répandre librement sur les contrées voisines. Pour rétablir le niveau, il faut ouvrir, au trop-plein de la population juive, de nouvelles régions. La population chrétienne de l’Ouest n’y