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quelques coutumes étrangères au rit grec : ils avaient des orgues, des sonnettes à la consécration, des bancs pour les fidèles ; ils portaient des scapulaires et des rosaires ; tout cela fut supprimé. On prétendait ramener leur rit à sa pureté primitive. Les églises des uniates une fois devenues pareilles aux tserkovstt russes, on leur dit : « Nous avons mêmes églises, même liturgie ; nous devons avoir mêmes pasteurs et même foi ». Pour cette épuration des rites on avait appelé, de Galicie, des prêtres ruthènes à tendances russophiles. Les paysans s’inquiétaient de ces changements qui, pour eux, étaient une innovation. « Nous voulons garder le culte de nos pères », disaient-ils au gouverneur général, le comte Kotsebue. On leur répondait que c’élait le culte de leurs pères qu’on restaurait. Le fouet des cosaques faisait taire les récalcitrants. En nombre de villages on dut employer la troupe pour enlever les orgues ou les bancs ; en plusieurs on fit feu sur les femmes qui défendaient l’entrée de leur église.

L’œuvre d’assimilation extérieure achevée, les prêtres les plus attachés à Rome ayant été écartés, on fit demander, en 1875, par des adresses du clergé et des laïques, la réunion à l’Église mère. Beaucoup des signatures ainsi enregistrées n’avaient été obtenues que par la ruse ou la force. Le retour à l’orthodoxie, accompli par le comte Tolstoï et le prélat Popiel, ressemblait à un escamotage. S’il tenait à détruire le rit grec-uni, le gouvernement en eût pu laisser les derniers adhérents passer au rit latin. Au lieu de cela, il a prétendu faire entrer tous les uniates, en bloc, dans l’orthodoxie, effectuant cette annexion religieuse à la manière d’une annexion politique, sans même accorder aux intéressés le droit d’option.

Des milliers d’uniates ont refusé d’accepter l’acte qui les liait officiellement à l’Église dominante. On a employé contre eux tous les procédés imaginés contre les protestants par Louvois, y compris les garnisaires cosaques, et cela au déclin du dix-neuvième siècle, sous un prince