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jusqu’à ordonner que, dans les localités habitées par les uniates, on ne pourrait ouvrir d’église non orthodoxe qu’après avis du clergé orthodoxe.

Dans les provinces polonaises annexées par Catherine II, il se trouvait deux ou trois millions de ces uniates ou grecs-unis, pour la plupart Blancs-Russiens ou Petits-Russiens d’origine, qui reconnaissaient la suprématie du pape tout en conservant le rit gréco-slave. L’Union remontait au concile de Brzesc de 1595. Elle avait été le chef-d’œuvre de Rome et des jésuites. C’était comme un pont jeté entre les deux Églises. C’était, en outre, le moyen de rapprocher les Slaves de l’Est et les Slaves de l’Ouest, de faire l’unité morale du monde slave coupé en deux, depuis des siècles, par la religion. On pourrait dire que c’était du panslavisme pratique, mais du panslavisme au profit de Rome et de l’Occident. Cela ne pouvait plaire à Moscou. Dans l’Union, les Polonais avaient vu un lien entre les sujets grecs et les sujets latins de la République. Les Russes n’y devaient voir qu’une barrière entre les orthodoxes de la Grande-Russie et leurs congénères de l’Ouest. Ce qu’avait accompli la politique polonaise, la politique russe travailla à le défaire. Elle y a mis un siècle. Catherine II et Nicolas avaient « ramené » à l’orthodoxie les grecs-unis de l’Empire ; Alexandre II a ramené ceux du royaume de Pologne. C’est peut-être la seule région du globe où la monarchie pontificale ait reculé depuis la Réforme.

L’empereur Nicolas et son haut-procureur Protassof, un ancien élève des jésuites, ont ainsi enlevé à Rome, en 1839, deux millions de sujets spirituels. « Vous êtes Russes » disait-on en substance aux uniates, vous êtes du rit grec ; il faut rentrer, avec les Russes, au giron de l’Église grecque. » À la tête des uniates on avait placé l’archevêque Jos. Siemaszko, qui, d’après ses propres Mémoires, n’avait accepté l’épiscopat qu’avec l’intention de détruire leur Église. Malgré la complicité d’un haut clergé recruté à dessein, la réunion, savamment préparée durant douze années, ne se