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clusion des catholiques est poussée aux dernières limites. On a décidé, sous Alexandre III, de n’admettre comme instituteurs, dans les provinces occidentales, là même où ils sont en minorité, que des orthodoxes. Non content de repousser les catholiques des fonctions publiques, on s’attache à leur barrer l’accès des carrières privées. Je tiens de directeurs de Compagnies de l’Ouest ou de Pologne que l’administration leur a demandé, confidentiellement, le relevé de leurs employés par religion, les accusant d’occuper trop de catholiques ou de juifs, et les prévenant qu’ils s’exposaient, par là, à perdre ses bonnes grâces. Il a été question d’interdire tout emploi dans les chemins de fer aux non-orthodoxes ; si cela ne s’est pas fait par oukaze, cela se fait, peu à peu, sous la pression administrative. La manière de faire le signe de la croix reste l’indice de la nationalité.


À côté des catholiques reconnus comme tels, il y a ceux que le gouvernement considère, malgré eux, comme orthodoxes. Leur position est lamentable. L’exercice de leur religion leur est absolument défendu. Qu’on pense ce que signifie pour un catholique la privation du prêtre qui seul peut lier et délier. De ces pseudo-orthodoxes il en est des dizaines de milliers en Lithuanie, en Russie-Blanche, en Pologne. Catholiques de conviction, ils sont, comme s’exprime le haut-procureur, « assujettis à demeurer dans l’orthodoxie ». M. Pobédonostsef se plaint, presque chaque année, de l’opiniâtreté de ces victimes du prosélytisme officiel. Parmi les paysans convertis de 1863 à 1870, beaucoup, disent ses rapports, s’obstinent dans leur désir de retourner au latinisme. Comment s’en étonner pour des conversions opérées par séduction ou par intimidation, des paroisses entières étant réunies à l’Église sur la demande de quelques individus ? Le plus souvent les missionnaires ont été des fonctionnaires, des agents de police, voire des soldats. Les feuilles russes ont cité, parmi ces