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prosélytisme. Aujourd’hui le gouvernement enjoint ce qu’il prohibait jadis. Subordonnant les considérations religieuses aux considérations politiques, il cherche à introduire l’usage du russe dans la prière catholique comme dans le prêche protestant. Il fait imprimer en russe des livres de prières romains ou luthériens, au risque d’en mettre les doctrines à la portée du peuple. C’est ainsi que, en certaines localités, une édition russe de psautier protestant a servi à la propagande stundiste.

À l’introduction du russe dans leurs églises s’oppose souvent le sentiment religieux, non moins que le sentiment national des catholiques. Si les livres de prières ont été traduits en russe, ces traductions, faites par des orthodoxes ou des catholiques complaisants, sont suspectes au clergé et aux fidèles. Puis, un prêtre me le faisait remarquer, la langue polonaise est riche en ouvrages catholiques de toute sorte, tandis que le russe ne donne accès qu’à une littérature imprégnée d’un esprit hostile à Rome. Enfin, en dehors même du royaume de Pologne, le polonais est la langue maternelle ou adoptive de la plupart des catholiques. En Lithuanie, et jusqu’en Russie-Blanche et en Petite-Russie, le russe officiel n’est même pas l’idiome du peuple et ne lui est pas toujours plus familier que le polonais. On comprend que les Polonais qui, dans les provinces occidentales, forment la majorité des catholiques, soient froissés de voir substituer, à leur langue sanctifiée par tant de saints, la langue du maître schismatique. Pour couper court à ces résistances, le gouvernement impérial s’est adressé au Saint-Siège. C’est là un des points délicats des négociations entre Pétersbourg et le Vatican. Malgré son désir de donner satisfaction au tsar, la papauté hésite à passer par-dessus les réclamations des Polonais. Le Saint-Siège sait que, en Irlande, il s’est parfois mal trouvé d’avoir paru servir les intérêts anglais. De même, dans l’ancienne Pologne, il lui répugne de sacrifier ses fils polonais à un gouvernement qui n’a cessé de travailler à les décatholi-