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sent pas de l’ébranler au-dessous d’elles. Ce n’est pas qu’il y eût moins d’hypocrisie (il y a partout, en pareil cas, plus d’instinct que de calcul), c’est plutôt qu’il y avait plus de frivolité et moins d’expérience.

Qu’un jour, à une époque prochaine peut-être, il y ait dans la société russe une reprise religieuse analogue à celle dont a été témoin le dix-neuvième siècle en Angleterre, en France, en maintes parties de l’Allemagne, on ne saurait en être surpris. Là, tout comme ailleurs, un des effets de la propagande révolutionnaire parmi les foules sera de ramener à la vieille foi les sympathies des esprits, des professions, des classes qu’effrayent les progrès de la démocratie et les menaces du socialisme. Assaillie comme un obstacle par les uns, la religion est par les autres défendue comme un rempart. Le flot de la Révolution n’a qu’à grossir ou à se rapprocher, pour que la foi religieuse apparaisse comme une digue contre le débordement des idées subversives, et qu’on voie les mains qui se faisaient un jeu de la miner, s’efforcer de la relever.

Il y a déjà, en Russie, des symptômes d’un pareil revirement. Cela est sensible dans la haute société, dans les couches aristocratiques. Une certaine liberté d’esprit y est-elle toujours de mise, le respect, si ce n’est la pratique, de la religion y est de bon ton. L’impiété, l’athéisme tranchant, on les laisse à de moins raffinés. Cela est plus sensible encore dans le monde officiel, où la politique a toujours tenu la religion en honneur. Plus la propagande révolutionnaire lui a donné de soucis et plus le gouvernement a été pris de ferveur religieuse.

Ainsi à diverses époques, sous Nicolas et sous Alexandre III notamment. Le « nihilisme » a valu à la Russie un réveil de ce zèle officiel. L’État a tout fait pour fortifier l’ascendant des croyances religieuses, non seulement sur le peuple, mais sur toutes les classes de la nation, dans tous les établissements d’instruction, de l’école populaire aux universités. À cet égard, la politique impériale, sous