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l’application des ordres reçus. Sous l’empereur Nicolas, c’était un comité secret qui, à l’aide de secrètes ordonnances, dirigeait les affaires du raskol. Les raskolniks, privés de la connaissance des règlements qui régissaient leur sort, étaient livrés sans défense à la cupidité du bas tchinovnisme et du bas clergé. Les tchinovniks allaient parfois jusqu’à contraindre les dissidents à se racheter de pénalités imaginaires.

Un tel état de choses ne pouvait persister au milieu des réformes d’Alexandre II. La question du raskol est une de celles qui occupèrent la sollicitude du tsar libérateur dès son avènement. Au mois d’octobre 1858, une circulaire secrète, selon les fâcheuses habitudes de la bureaucratie pétersbourgeoise, affranchissait provisoirement les raskolniks des plus criantes des vexations auxquelles ils étaient encore astreints. En même temps, une commission était appelée à étudier la réforme de la législation sur la matière. Cette réforme, entreprise par Alexandre II, n’a été effectuée qu’en 1883 et 1884, sous Alexandre III. Jusque-là, les restrictions imposées à la liberté civile ou religieuse des dissidents étaient maintenues en droit ; la loi interdisait aux paysans l’accès des charges communales et enlevait aux marchands les privilèges des guildes ; la loi leur déniait le droit de déposer en justice contre les orthodoxes et les privait de la faculté de sortir des frontières de l’empire ; la loi enfin, hier encore, leur défendait de construire de nouveaux oratoires et même de réparer les anciens, si ce n’est dans la partie de la toiture qui couvrait l’autel. Il est vrai qu’en Russie l’arbitraire est toujours là pour tempérer les rigueurs du code ; les raskolniks connaissaient ce dicton : La loi est une corde mal tendue ; les grands passent dessus, les petits passent dessous.

La première chose pour le législateur était de donner aux non-conformistes un état civil. Le gouvernement d’Alexandre II l’a tenté, en 1874, au moins pour les onze ou douze cent mille raskolniks admis par les statistiques