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ment l’église. En 1872, dans le district de Bélef, c’est lu « foi de Tombof », ainsi appelée de son fondateur, un sous-officier dont l’enseignement rappelait, dit-on, celui des skoptsy. Vers 1880, dans la province du Don, ce sont les samobogs (autodieux, self-gods), ainsi appelés parce que, à l’instar des doukhobortses, ils aboutissent à la déification de l’homme. En 1868, dans un village du gouvernement de Tambof, c’étaient les trouchavery, qui se regardaient comme les purifiés, et considéraient les autres hommes comme impurs et voués à l’enfer : leur chef, un petit bourgeois du nom de Panof, se donnait pour le Christ. En 1866, dans le gouvernement de Saratof, c’étaient les tchislenniki ou compteurs, ainsi désignés pour leur manière de compter les jours de fête. Ils intervertissaient tout le diurnal de l’Église, déplaçant les solennités ecclésiastiques, transportant le jour de repos du dimanche au mercredi, célébrant Pâques, par exemple, le mercredi saint. Tous ces changements se justifiaient sur un livre tombé du ciel. Selon ces compteurs, dont le chef était un simple moujik, il n’y a ni eucharistie, ni clergé ; tout homme a le droit de confesser et de célébrer l’office. Comme au moine Séraphin de Pskof, on leur reprochait d’enseigner le salut par le péché.

La tendance protestante est représentée par le stundisme, dont nous avons raconté les rapides conquêtes. Des hérésies plus ou moins analogues ont surgi au nord et au centre. J’en nommerai une, découverte en 1871, dans la ville de Kalouga, parmi la classe inférieure de la population urbaine. Le fondateur de cette secte, qui se prêchait dans les traktirs et les cabarets, était comme J. Smith, le Moïse des mormons, un cordonnier. Il s’appelait Tikhanof ; sa doctrine se rapproche de celle des non-priants. Comme eux, il rejette les sacrements, disant que baptême, confession et communion doivent être spirituels et sans intermédiaire de Dieu à l’homme. Cet artisan enseignait que la vraie religion n’admet que le culte de l’esprit ; la prière, la parole des lèvres est elle-même trop matérielle pour plaire à Dieu.