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assistants, ne peuvent manquer de trouver quelques applications particulières ; tantôt il profère de longs discours, dans lesquels il est facile de trouver quelque chose qui se réalise en tout ou en partie.

Un fait digne de remarque, c’est le grand nombre des prophétesses et le grand rôle des femmes dans la plupart des sectes. Il y a des saintes vierges, comme il y a des christs ; les deux vont souvent ensemble, par paire, et souvent l’impulsion vient de la femme autant que de l’homme. Vers 1880, par exemple, une prophétesse du nom de Xénie Ivanof fondait, dans la province du Don, une secte ascétique dont les adeptes s’interdisaient le mariage et l’usage de la viande. Ce n’est pas seulement chez les illuminés et les mystiques que le rôle des femmes est considérable, c’est aussi, bien qu’à un moindre degré, chez les vieux-croyants et les raskolniks de toute sorte. La religion est presque l’unique domaine où la femme du paysan se montre l’égale de son époux. Esclave ou servante dans tout le reste, elle est libre, souvent même elle est maîtresse dans la sphère spirituelle. « Une dispute d’Aksinia avec son mari, sur un objet profane, lui vaudrait une verte réprimande, dit quelque part A. Petchersky ; quand il s’agit de shjtes, d’affaires religieuses, la chose est autre ; ce n’est plus l’homme, c’est la femme qui est la tête ; c’est Aksinia qui décide et tance son mari. » De ce fait, quelques écrivains ont tiré une conséquence inattendue. Chez un peuple qui considère la femme comme un être inférieur, les questions dogmatiques seraient-elles abandonnées aux femmes, si l’homme en faisait une de ses préoccupations principales ? La piété est pour le paysan une affaire de ménage, et, comme telle, regarde surtout la femme. On reconnaît dans cette thèse le penchant de certains Russes à représenter leurs compatriotes du peuple comme indifférents en matière religieuse, et, pour ainsi dire, inconsciemment sceptiques. Cette prétention n’est nullement justifiée par l’influence des babas dans le schisme ou l’hérésie. L’initiative