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Pour couper court à cette singulière propagande, le gouvernement transporta Popof, avec ses principaux adhérents, au delà du Caucase. Le prophète parvint, après des années de misère, à constituer autour de lui une nouvelle communauté. Cela lui valut d’être de nouveau déporté, cette fois dans les déserts de la Sibérie orientale. Il vivait encore, assure-t-on, dans la région de l’Iénisséi en 1867.

L’enseignement de Popof était directement inspiré de l’Évangile et des Actes des apôtres. En mettant leurs biens en commun, ses disciples prétendaient imiter les premiers chrétiens. Comme eux, ils venaient déposer leurs richesses aux pieds de leurs apôtres, dont ils avaient fixé le nombre à douze, pour que l’imitation fût complète. L’argent, les maisons, le bétail, les instruments de culture étaient communs comme la terre. Il n’y avait de propriété personnelle d’aucune sorte. Chaque village devait former une communauté ; mais, pour les nécessités de l’exploitation rurale, chaque communauté était divisée en plusieurs groupes entre lesquels se partageaient le bétail et les instruments de culture. Dans chaque groupe il y avait des ordonnateurs de l’un et de l’autre sexe, préposés, qui aux travaux de champs, qui aux soins du ménage, qui à la cuisine, qui à la lingerie et aux vêtements. À la tête même de la communauté se trouvaient les autorités centrales élues par les intéressés. Pour réaliser leur utopie, ces obchtchié avaient été obligés de donner à leurs villages une constitution monacale. Le fondateur Popof en était venu à supprimer la liberté de discussion et d’interprétation chère à tout molokane. Il avait fait de la soumission aux autorités le premier devoir, de l’insubordination le plus grand péché. C’était là une nécessité du système communiste. Pour maintenir ces pieux phalanstères, il ne fallait rien moins qu’une obéissance religieuse. Malgré cela, les disciples de Popof se lassèrent de la servitude inhérente à un pareil régime. Leur zèle se refroidit ; ils finirent par partager leurs biens entre les diverses fa-