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qui, pour eux, fait le mariage, ce n’est pas la cérémonie, mais l’amour et le bon accord des époux. Pour leurs noces, ils se contentent de la bénédiction de leurs parents.

Le culte des doukhobortses et des molokanes est facile à connaître ; l’origine et la théologie des deux sectes sont obscures. Ces réformés russes semblent procéder indirectement de la réforme de Luther et de Calvin. Les étrangers si nombreux en Russie, depuis et même avant Pierre le Grand, y apportaient, pour ainsi dire, des semences d’hérésies à la semelle de leurs chaussures. Aux sectes rationalistes nées dans le sud-ouest de l’empire, aux confins de l’Europe, on s’est complu à chercher des antécédents russes ou slaves. Les molokanes, qui prétendent avoir conservé ou retrouvé la primitive doctrine du Christ, font remonter leur origine en Russie jusqu’aux Rurikovitch. Selon quelques historiens, ils auraient pour ancêtres les hérétiques ou libres-penseurs moscovites du seizième siècle, notamment Bachkine, condamné à Moscou en 1555[1]. Ce n’est toutefois qu’au dix-huitième siècle que les tendances protestantes prirent corps dans les deux sectes jumelles des doukhobortses et des molokanes. Parmi leurs précurseurs, on cite un médecin du nom de Dmitri Tvéritinof, poursuivi en 1714 pour avoir prêché le calvinisme. Le premier apôtre des athlètes de l’esprit semble un ancien soldat ou sous-officier, probablement étranger d’origine, peut-être un prisonnier allemand, qu’on rencontre, vers 1740, dans un village des Slobodes de l’Ukraine. Il y trouva pour disciples des Russes du nom de Kolesnikof qui répandirent sa doctrine parmi leurs compatriotes. L’Ukraine, alors parcourue par des exilés et des sectaires de toute sorte, russes ou polonais, était un pays favorable à l’éclosion des sectes. L’enseignement des doukhobortses d’Ekatérinoslaf aurait été résumé, dès 1791, dans une profession de foi attribuée à l’écri-

  1. Kostomarof, Otetch. Zapiski, mars 1869. Novilsky, Doukhobortsy, ikh istoriia i véroouichenié, Kief (2e édit. 1882). Cf. Vestnik Evropy ; Rousskie Ratsionalisty (février 1881).