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tiques inspirées à d’ignorants parents par d’autres superstitions. De semblables mutilations de la femme, signalées par les anciennes chroniques chez les païens de la Rous primitive, se seraient retrouvées de nos jours chez des tribus finnoises.

Il semble, au premier abord, qu’une pareille religion ne se puisse recruter qu’à l’aide de prosélytes étrangers : il n’en est point entièrement ainsi. Les skoptsy ne condamnent pas tous, d’une manière absolue, le mariage et la génération. Se considérant comme les élus de Dieu, les dépositaires de la sainte doctrine, il en est qui se croient permis de donner la vie à des enfants pour leur transmettre ïa vraie foi. Souvent ce n’est qu’après la naissance d’un fils que le père passe à l’état de pur esprit. L’enfant grandit en sachant à quelle immolation il est destiné. L’homme qui, l’heure venue, refuserait de se soumettre au sanglant baptême serait en butte aux poursuites et aux vengeances des sectaires, qui forment dans l’empire une vaste association, dont les membres, comme ceux des sociétés secrètes politiques, se permettent de faire eux-mêmes justice des traîtres et des déserteurs. On entend, à ce sujet, de lugubres histoires. Un skopets, par exemple, avait un fils qui, arrivé à l’âge d’homme, s’enfuit de la maison paternelle, passa à l’étranger et s’y maria. Au bout d’une quinzaine d’années, il crut pouvoir revenir dans sa patrie ; il fut reconnu par son père et disparut.

Soit pour perpétuer leur doctrine avec leur race, soit pour se mieux dissimuler et se donner en même temps les avantages de la vie conjugale, les skoptsy se marient souvent, et ces ménages inféconds ou d’une stérilité prématurée semblent souvent heureux, comme si ces froides unions étaient d’autant plus paisibles que la passion y a moins de part. À en croire certains récits, il y aurait, parmi les blanches-colombes, des époux assez débonnaires pour laisser leurs femmes leur donner d’ailleurs des enfants qu’ils ne peuvent engendrer eux-mêmes. Mariés ou non,