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glante initiation a parfois plusieurs degrés : la mutilation est complète ou incomplète ; suivant l’un ou l’autre cas, elle porte, chez les sectaires, les noms de sceau royal ou de seconde pureté[1]. Les femmes n’échappent pas toujours à l’horrible baptême. Pour elles, la mutilation n’est pas obligatoire ; beaucoup cependant, lors de leur admission parmi les « colombes », reçoivent les stigmates de la secte et le sceau royal, qui est le signe de l’entrée au nombre des purs. Chez elles, les skoptsy paraissent s’en prendre plutôt à la faculté de nourrir qu’à la faculté d’engendrer. Le sein nouvellement formé de la jeune fille est amputé ou défiguré, sa poitrine soumise à une sorte d’odieux tatouage. Parfois les deux mamelles sont entièrement enlevées. Chez quelques femmes, le fer des fanatiques va plus loin, il s’attaque à des organes plus intimes, sans que le plus souvent ces incisions, exécutées par des mains ignorantes, rendent les malheureuses qui les subissent incapables d’être mères. Des procès ont mis en lumière ces outrages à la nature humaine : on a discuté devant la justice les procédés chirurgicaux employés pour ces détestables cérémonies. Les juges ont vu de vieilles femmes octogénaires et des jeunes filles de quinze, de dix-sept, de vingt ans toutes diversement déformées par le couteau ou les ciseaux des fanatiques[2]. La plupart des jeunes victimes avaient, à la fleur de l’âge, perdu la fraîcheur de la jeunesse ; comme celui du skopets, leur visage était prématurément flétri. Quelques-unes déclaraient ne point se souvenir de l’époque où elles avaient été soumises à ce sauvage traitement. Il n’est pas impossible qu’on ait parfois confondu avec les rites des skoptsy de barbares pra-

  1. Pour les hommes, la première pureté semblerait consîster dans l’ablation des testicules, la seconde dans l’ablation de la verge. Il y a du reste différentes manières de procéder à ces opérations.
  2. Voyez, par exemple, dans le procès de Koudrinc les dépositions des médecins et l’interrogatoire des accusés. Skoptcheskoé Delo : Protsces Koudrinykh. Moscou, 1871.