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nion qui consistait dans un rapprochement avec le chef de la communauté, regardé comme un Christ vivant. À ses disciples, cet impudent prophète donnait à baiser sa main ou ses pieds ; aux plus fervents sa langue. Comme les khlysty, ces sectaires se distinguaient du reste par leur sobriété ; un zélé sauteur se reconnaissait à sa pâleur[1].

Les efforts du clergé et de la police ne purent empêcher les skakouny de pénétrer dans l’intérieur de l’empire, où ils devaient se confondre avec les khlysty. Les sauteurs des districts de Pétersbourg et de Peterhof avaient été dispersés, les hommes emprisonnés, les femmes mises dans des maisons de correction. Au bout de quelques années, on découvrit des communautés de sauteurs dans les gouvernements de Kostroma et de Riazan, de Smolensk et de Samara, au nord et au sud, à Touest et à l’est de Moscou, Chez les skakouny de Riazan, la licence avait revêtu une forme plus solennelle et plus mystérieuse. Après que la danse habituelle avait été célébrée par un groupe choisi d’adeptes des deux sexes, une femme, parée du titre de mère de Dieu, appelait les jeunes filles à jouir de l’amour du Christ, représenté par un paysan. Parodiant la parabole des vierges sages et des vierges folles, la sainte entremetteuse convoquait en cantiques rimés l’assistance à une sorte de communion charnelle. « Approchez, ô fiancées, voici venir l’époux qui vous accueillera avec amour. Ne vous laissez pas aller au sommeil, ne fermez pas l’œil, ô jeunes filles, tenez vos lampes allumées. » Et pendant ce

  1. Sbornik prav. svéd. o rask.. t. II ; p. 85. Il se peut qu’ainsi que les khlysly les skakouny aient été parfois calomniés et qu’ils n’aient été qu’une variété de quakers. Sous le règne d’Alexandre Ier, leurs réunions ayant été interdites par la police à la requête des pasteurs luthériens, dont les ouailles formaient le gros de la secte, les sauteurs réclamèrent. « Notre service, disaient-ils dans une pétition au ministre des cultes, consiste en chants sacrés et en lectures de la Bible accompagnés de baisers d’amour fraternel et de marques de charité chrétienne, en discours pieux proférés par les différents prédicateurs qu’une inspiration soudaine fait lever au milieu de l’assemblée, enfin en prières avec tremblement de corps, génuflexions et prosternations, avec pleurs, soupirs ou invocations, selon les sentiments provoqués par la parole du prédicateur. »