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nuait dans les hautes sphères pétersbourgeoises. Dans ce monde ouvert à tous les souffles du dehors, sur cette terre où germaient toutes les idées de l’Europe, l’illuminisme avait, lui aussi, trouvé un sol propice.

Venu ou non de l’Occident, l’illuminisme russe se retira peu à peu dans les couches inférieures de la nation ; là, chez un peuple grossier, sur un sol réaliste, il se dégrada, se matérialisa. Chez le moujik se propagèrent toutes les aberrations auxquelles peut conduire le dogme de la libre inspiration. Au-dessous des zélateurs de l’ascétisme surgirent des communautés aux doctrines impures, au culte sensuel, aux rites obscènes. Là, comme ailleurs, les exaltés, qui prétendaient s’élever au-dessus de la nature humaine, ne purent toujours se tenir sur les escarpements des cimes mystiques ; de l’abrupt sommet de l’illuminisme ils tombèrent en d’étranges chutes. L’inspiration passant par-dessus la morale comme par-dessus le dogme, aux égarements de l’imagination succédèrent les égarements de la chair. L’extase fut demandée à la jouissance, et la mysticité alliée à la volupté. Comme certaines nations primitives et certaines religions antiques, des sectaires du dix-huitième et du dix-neuvième siècle semblent avoir attribué, dans leur culte, une place à l’union des sexes. Peut-être faut-il moins voir là une impudeur calculée qu’une admiration ingénue devant le plus mystérieux des mystères de la nature. Partout les peuples enfants ont été enclins à donner à la génération un caractère religieux. L’acte qui perpétue l’espèce humaine et associe la créature au Créateur peut prendre, pour des âmes naïves, quelque chose de surnaturel, jusqu’à leur sembler l’hommage le plus agréable au Père de la vie.

Rien néanmoins ne prouve que tous les khlysty aient divinisé la génération et sanctifié la volupté. Loin de là, on ne saurait croire que toutes leurs communautés s’abandonnent « au péché en tas ou en foule » (svalnyi grekh). Pour la plupart, ce qui a donné lieu à cette accusation,