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tions lui servent de règle ; ce qui naturellement facilite la diversité des croyances ou des rites. Chacune a aussi, d’ordinaire, son christ et sa mère de Dieu. Le premier christ des khlysty, Ivan Souslof, avait ainsi sa vierge immaculée. Ces mères de Dieu ou ces prophétesses, les dernières surtout, n’ont pas toujours le charme de la jeunesse ou de la beauté ; toutes n’ont pas non plus gardé le célibat. Il y en a de veuves ou de séparées de leurs maris. Pour saintes vierges, certains khlysty aiment à choisir de belles et robustes jeunes filles, qu’ils adorent comme une incarnation de la Divinité. Au culte qui leur est rendu, on a parfois voulu reconnaître, dans ces bogoroditsy, une personnification de la nature et de la force génératrice. On a même voulu les identifier avec la Terre mère, dont le nom reviendrait dans les hymnes chantées en leur honneur. Il semble que la plupart des « nefs » découvrent leurs saintes vierges, plutôt qu’elles ne les choisissent ; on les acclame par inspiration. Pour ce rôle, les illuminés prennent de préférence des femmes hystériques prédisposées aux transports de l’extase : une jeune fille sur laquelle agit fortement la danse de leurs radéniia, ou encore une klikousha, une « possédée » qui pousse des cris inconscients. Des névropathes ne sont-elles pas les saintes ou les prophétesses qui conviennent à de pareilles assemblées ?


Tandis que les vieux-croyants des deux rites sont, depuis Pierre le Grand, confinés dans le peuple, les sectes mystiques, comme les khlysty, ont parfois pénétré dans les hautes classes. D’après les oukazes et les actes officiels, la khlystovstchine aurait, au dix-huitième siècle, compté des adeptes dans tous les rangs, des princes aux marchands, parmi les étrangers comme parmi les Russes, parmi les ecclésiastiques comme parmi les laïques. Chose digne de remarque, celle doctrine, qui semblait renverser le christianisme, se propagea surtout parmi les moines et les religieuses, parmi les paysans appartenant aux monastères.