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munauté lit des passages de l’Écriture, par exemple les Actes des apôtres, à ces paroles de saint Pierre, empruntées au prophète Joël : « Il arrivera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards songeront des songes. » Alors commence une scène plus ou moins semblable à celles que les voyageurs vont chercher, en Turquie et dans les pays musulmans, aux tékiés des derviches tourneurs. Quelques adeptes se mettent à se mouvoir en rond. Le reste des assistants les imitent peu à peu : ils tournent, lentement d’abord, puis avec une rapidité croissante, bientôt vertigineuse. Hommes et femmes, jeunes et vieux, frappés d’une sorte de frénésie contagieuse, sont emportés dans le même tourbillon ; ils tournent d’abord en cercle, chantant et poussant des çoupirs et des sanglots, les hommes au centre, les femmes en dehors. Puis, quand l’excitation est à son comble, ils rompent la ronde sacrée. Chacun suivant son inspiration, la piété et les transports prennent différentes formes. L’un, saisi d’un tremblement convulsif, cherche l’extase dans un mouvement uniforme ; l’autre frappe bruyamment le sol, trépigne des pieds et bondit en l’air ; l’un va se balançant dans une sorte de valse furieuse ; l’autre pivote sur lui-même, les bras en croix, les yeux fermés, comme insensible à toute chose. Il en est qui s’hypnotisent en regardant un point fixe, par exemple une colombe peinte au plafond. Chez les khlysty, comme chez les derviches, il y a des dévots si habiles à ces saints exercices, qu’à la rapidité de leur mouvement rotatoire ils semblent immobiles ; au lieu d’un homme, l’œil ne perçoit plus qu’un fantôme incertain. Les vêtements des mystiques tourneurs se gonflent, leurs cheveux se dressent sur la tête, l’air tourbillonne dans la salle. Les khlysty offrent alors un spectacle bizarre et presque effrayant, qui doit agir sur les nerfs des prosélytes non moins violemment que la danse elle-même. Dans leur em-