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tique en sont tellement jointes qu’on n’y peut repousser une croyance sans les renverser toutes.

À travers leur variété et leurs oppositions, les sectes étrangères au raskol du dix-septième siècle ont toutes un point de vue commun : à l’inverse du schisme, elles font peu de cas du rituel, peu de cas des cérémonies. Au lieu de s’attacher à la lettre et au sens littéral, elles proclament le culte de l’esprit, se vantant de professer un christianisme spirituel. À cet égard, ces hérésies, d’ailleurs si diverses, peuvent être regardées comme une réaction contre « la vieille foi » et contre le formalisme des vieux-croyants. Chez elles, le génie moscovite s’affranchit des formes aussi bien que des traditions du culte, il s’émancipe de tout joug, et, s’abandonnant à son penchant pour les solutions logiques, il va droit à leurs dernières conséquences.

Les origines de ces différentes sectes sont plus ou moins obscures. Les racines en semblent plonger au delà des limites du sol national, les unes en Orient, les autres en Occident, tenant à la fois à l’Europe et à l’Asie, se reliant en même temps aux croyances perdues des premiers siècles de notre ère et aux aveugles tâtonnements de la conscience moderne. Plusieurs de ces hérésies ont pu être rattachées historiquement à l’influence étrangère, au contact de l’Europe avant ou depuis Pierre le Grand ; elles montrent cette influence sous un des côtés les moins connus, sous le seul peut-être par lequel le peuple en ait été directement atteint. Aux principales de ces sectes, quelques prélats orthodoxes ont, en souvenir de leur filiation supposée, ou en raison de certaines ressemblances, donné le nom de quakérisme russe. Les doctrines ainsi désignées sont trop multiples, trop originales, même dans l’imitation, pour être affublées d’un nom étranger. Comme dans les hérésies du premier âge de l’Église, on y rencontre un singulier mélange de naturalisme et de mysticisme, un amalgame bizarre de notions païennes et d’idées chrétiennes. La ressemblance entre ces ignorantes sectes de