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église. Le célèbre métropolite de Moscou, Philarète, purifla la cathédrale du schisme. Les sans-prêtres de l’hôpital durent entendre résonner, dans l’église de leurs pères, le chant des popes unicroyants nommés par le Saint-Synode.


Les doctrines de ces sans-prêtres leur laissaient-elles des droits à la tolérance moderne ? Chez les bezpopovtsy, la réconciliation avec la raison, avec la civilisation, était assurément moins aisée que chez les vieux-croyants hiérarchiques. Des deux principes fondamentaux de la gauche du schisme, l’un, le rejet du sacerdoce et des sacrements, la conduisait, quant au mariage, à des conséquences immorales ; l’autre, la croyance au règne de l’Antéchrist, l’amenait à des conclusions révolutionnaires, anarchiques. C’est sur l’interprétation ou l’application de ce double point de la doctrine, que se sont divisés les riverains de la mer, les théodosiens, les philippovtsy ; et c’est de leur manière d’entendre l’un et l’autre dogme, de leur enseignement sur le mariage et la famille d’un côté, sur la nature et les droits du pouvoir civil de l’autre, que doit dépendre Tattitude de l’État vis-à-vis des bezpopovtsy.

Quelle peut être la soumission au souverain, ou l’obéissance aux lois, d’hérétiques qui prêchent que, depuis le patriarche Nikone et le tsar Alexis, la Russie est tombée sous le règne de Satan ? Qu’attendre de pareils hommes, si ce n’est révolte ouverte ou rébellion latente ? Ainsi des sectes extrêmes, des philippovtsy qui ne reconnaissaient d’autre tsar que le tsar du ciel, d’autre puissance que la hiérarchie angélique, et qui se brûlaient vifs pour échapper aux serviteurs de Satan ; ainsi des stranniki, des errants, qui, pour n’avoir pas de communication avec le gouvernement de l’Antéchrist, rompent aujourd’hui encore tous les liens civils. Ces forcenés ont pour eux la logique du raskol, mais dans les religions le triomphe de la logique n’est pas éternel. À l’ère des fanatiques et des extravagants succède l’ère des politiques et des modérés, aux dogmes