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tiques de la dévotion populaire, se matérialisant ainsi par les causes qui semblaient devoir le spiritualiser.

Aujourd’hui que le raskol tend à sortir de son cadre séculaire, les sans-prêtres que ne retient aucune barrière hiérarchique, sont emportés par leur négation de l’autorité vers le rationalisme. C’est là un phénomène tout récent. Longtemps les bezpopovtsy ont rivalisé avec leurs frères ennemis, les popovtsy, de fidélité aux rites et à la tradition, s’ingéniant à n’en rien omettre en dépit de leur manque de clergé. Dans l’histoire de leurs variations, les querelles sur le rituel et les formes du culte ont tenu une large place. Un exemple des questions qui les ont longtemps passionnés, c’est « le titre de la croix », les lettres inscrites sur la tête du divin Crucifié. L’une de leurs sectes en reçut le nom de Titlovtsy. Un parti repoussait les quatre lettres slaves correspondant à l’INRI de nos crucifix latins. Ce titre de Jésus de Nazareth, roi des Juifs, donné au Christ par les soldats romains, lui paraissait une dérision sacrilège, à laquelle il refusait de s’associer même en apparence, remplaçant l’inscription évangélique par les sigles grecs du nom de Jésus-Christ : ICXC. Après cela, comment s’étonner que l’unique sacrement conservé par eux, le baptême, ait été, chez les sans-prêtres, l’origine de longues querelles et de nombreuses divisions ? Les uns l’administraient selon le rite orthodoxe, moins l’onction du saint chrême qu’ils ne pouvaient plus consacrer ; d’autres rebaptisaient les adultes, la nuit, dans les rivières ; quelques-uns, à la recherche du pur baptême, se baptisaient de leurs propres mains. Quant aux autres sacrements, ils les ont abandonnés faute de sacerdoce, ou ils n’en ont gardé qu’un simulacre. C’est ainsi que certains Philippovtsy se confessaient à une image, en présence de leur ancien (starik), qui leur disait au lieu d’absolution : « Puissent tes péchés t’être pardonnés ! » Chez d’autres sans-prêtres, le confesseur, un homme ou une femme, n’est plus qu’un conseiller.