Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne reconnaissant plus d’ordination, les bezpopovtsy n’ont d’autres ministres du culte que des anciens, des lecteurs sans caractère sacerdotal. Lire et expliquer l’Écriture, baptiser et parfois confesser sont leurs principales attributions. Chez quelques communautés, ces fonctions peuvent être confiées à des femmes. Ces liseurs raskolniks sont tantôt fort ignorants, tantôt fort versés dans la littérature sacrée. Il n’est pas rare d’en rencontrer de supérieurs aux prêtres orthodoxes ; d’ordinaire, ils ont plus d’autorité sur leurs adeptes que n’en possèdent sur les leurs les popes des popovtsy.

Chez les sans-prêtres, la simplicité presbytérienne du service divin n’implique point le rejet de tout culte extérieur. Loin de là, en s’émancipant du clergé, la plupart de leurs communautés ont conservé toutes les pratiques de la dévotion russe, la révérence superstitieuse des images ou des reliques, l’observation scrupuleuse des jeûnes, tout le formalisme méticuleux d’où est sorti le raskol. Comme les popovtsy, les sans-prêtres ont gardé les signes de croix cent fois répétés, et les poklony, les saluts ou inclinations de corps devant les images avec les battements de front contre la terre. Cette sorte de gymnastique religieuse tient parfois chez eux une place d’autant plus large que leur culte, dénué de prêtres, est plus vide de cérémonies. Pour la purification des mets achetés au marché, telle secte ordonne cent de ces inclinations de corps ou poklones, pour un enterrement deux cents, pour un néophyte deux mille par jour, pendant six semaines, avec adjonction de vingt prosternations par chaque centaine. Plus encore que les popovtsy, ces hommes, qui ont rejeté tout clergé, ont gardé une horreur religieuse pour le tabac ou pour le sucre, une superstitieuse répugnance pour certains mets, pour le lièvre par exemple. Au lieu de toujours s’épurer, le culte, chez nombre de bezpopovtsy, semble s’être dédommagé de la privation des mystères les plus sacrés de la foi nationale en s’attachant d’autant plus aux mesquines pra-