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restauration, sans se rendre compte qu’une telle autorité serait peu en harmonie avec leurs habitudes religieuses, avec leurs mœurs à demi presbytériennes.

On distingue chez eux deux tendances ailleurs souvent séparées : ils aspirent à rendre l’Église indépendante du pouvoir civil, mais ce n’est point pour en remettre tout le gouvernement au clergé, c’est plutôt pour faire dans l’Église une part plus large à l’initiative des laïques et du peuple chrétien. En maintenant la nécessité d’un sacerdoce, les popovtsy ne sont, pas plus que les sans-prêtres, pas plus que les Russes orthodoxes, enclins à abdiquer dans les mains du prêtre. À cet égard, chez eux comme chez toutes les sectes russes, il n’y a aucun vestige de sacerdotalisme ou de cléricalisme, et ce n’est pas là un des traits les moins curieux du caractère moscovite. Une Église autonome, s’administrant elle-même sous le contrôle des fidèles, grâce à l’élection du clergé, une Église nationale, populaire et démocratique, tel semble être l’idéal religieux des vieux-croyants. Ainsi envisagé, ce raskol, sorti d’ignorantes querelles et nourri d’une grossière scolastique, devient européen et moderne ; il représente, dans le] christianisme oriental, des aspirations qui ont souvent travaillé les Églises d’Occident. Devant de telles tendances, le meilleur moyen de préparer la réunion des starovères, c’est de réformer l’Église dominante, c’est d’en accroître les libertés et d’y donner plus de part au principe de l’élection, longtemps demeuré dans les habitudes russes ; c’est de relever moralement et matériellement le clergé orthodoxe, car, en Russie comme partout, pour les vieux-ritualisles comme pour les strigolniki du quatorzième siècle, les faiblesses du prêtre n’ont pas été la moindre cause des hérésies.