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tions et des hérésies, le point de départ initial du raskol, le formalisme ritualîsle des anciens vieux-croyants, a cessé d’être la principale cause de la persistance du schisme. Dans sa lutte contre l’orthodoxie officielle, le raskol a trouvé une raison d’être nouvelle. Si la popovstchine persiste encore, c’est qu’elle personnifie la résistance populaire à l’ingérence de l’État dans les affaires ecclésiastiques, c’est qu’elle est devenue une protestation contre toute dépendance apparente ou réelle de la religion.

L’Église dominante, disait, sous Alexandre II, une supplique manuscrite en circulation parmi les vieux-croyants, n’est pas l’orthodoxie catholique ; ce n’est qu’une orthodoxie russe, moscovite, synodale, officielle, qui a pour chef l’empereur et non le Christ et laisse nommer les évèques par le pouvoir civil ; une institution d’État, consistant dans le signe de croix à trois doigts et autres pratiques analogues ; un ritualisme grec (greko-obriadstvo) ou une foi ritualiste (obriadovèrié) croyant à l’importance dogmatique de certains détails du rituel, érigés en article de foi[1]. N’est-il pas curieux de voir ces vieux-croyants renverser les rôles séculaires et accuser à la fois l’Église dominante de formalisme et de servilisme ?

Les vieux-croyants hiérarchiques demandent, à leur manière, la séparation du temporel et du spirituel, ils réclament la liberté de l’Église, sans se rendre compte que, par leur longue révolte, ils ont été les premiers à l’affaiblir. Si, en la dépopularisant, ils ont contribué à la mettre dans la dépendance du pouvoir civil, ils l’ont oublié. Une des choses qu’ils reprochent à l’orthodoxie officielle, c’est l’abandon de l’ancienne constitution ecclésiastique et la suppression du patriarcat[2]. Quelques-uns en réclament la

  1. Voy. Iousof : Rousskie Dissidenty : Starovéry i Doukhovnye Khristiane (1881, p. 51, 52).
  2. L’abolition du patriarcat, dans le dessein de subordonner l’autorité sacerdotale à l’autorité du tsar, a été donnée par les raskolniks comme une preuve que Pierre le Grand élait l’Antéchrist. Ainsi le Sobranié ot Sviatago Pisaniia o Antikhristé, Shornik prav. svéd. o rask, t. II, p. 256.