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tard, leurs descendants ne s’en contentaient plus. En religion comme en politique, les concessions tardives sont souvent repoussées avec dédain de ceux qui d’abord les imploraient humblement. En se persuadant que toutes les dissidences étaient extérieures, l’Église officielle faisait une erreur analogue à l’erreur des vieux-croyants, lorsqu’ils s’étaient insurgés contre son autorité au nom des rites. Le principe du schisme n’est plus tout entier dans le cérémonial. Après de longues années de lutte, le raskol a pris un esprit propre, une individualité, des habitudes d’indépendance et de liberté qui rendent la réconciliation plus difficile.

Le droit de conserver les anciens rites ne pouvait suffire à vaincre les préventions des vieux-croyants. Sous le couvert d’une pacification, ils redoutaient qu’on ne leur offrît qu’une soumission. Ils craignaient que dans l’édinoverié le gouvernement et le Synode ne vissent qu’un expédient transitoire, une sorte de parvis ou de vestibule où les adversaires de Nikone devaient faire un stage, avant d’aller se perdre dans le temple de l’orthodoxie légale. En provoquant les dissidents à entrer dans l’Église des unicroyants, le gouvernement avait soin d’en interdire l’accès à tous les fidèles réputés orthodoxes ; par là il repoussait lui-même de l’édinoverié le plus grand nombre des schismatiques qu’il y voulait attirer. Depuis, il est vrai, dans les dernières années notamment, l’État s’est départi de cette restriction : les Russes inscrits comme orthodoxes ont, dans certains cas, été autorisés à recourir aux prêtres des édinovertsy. Les « anciens rites » n’en restent pas moins dans une position inférieure vis-à-vis des cérémonies en usage depuis Nikone. Il y avait deux manières d’amener à l’édinoverié le gros des vieux-croyants ; la première, c’était de placer les deux rites sur un pied d’égalité, laissant les fidèles libres de choisir entre eux ; la seconde, c’était de constituer les unicroyants en Église autonome. On n’a fait ni l’un ni l’autre. Aussi la