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tants outrés du principe national, ne pouvaient faire cause commune avec les ennemis de la Russie, avec les latins de l’Occident. On le vit pendant la guerre de Crimée. Sourde aux suggestions des promoteurs de la hiérarchie schismatique, la masse des vieux-croyants demeura tranquille, les plus mécontents attendant le jugement de Dieu, vieux-croyants et cosaques n’oubliant pas que le Turc, frère du Tatar, élait l’ennemi traditionnel de la sainte Russie. La Porte ne trouva quelques auxiliaires que parmi les petites colonies starovères établies chez elle.

Comme toutes les classes de la nation, les vieux-croyants partagèrent le vaste espoir suscité par l’avènement de l’empereur Alexandre II. Dans leur confiance, les anciens du cimetière de Rogojski invitèrent le métropolite Cyrille à venir en Russie visiter son troupeau. À l’aide d’un déguisement et d’un faux passeport, grâce à l’ignorance ou à la secrète connivence de l’administration, le pontife de Bélokrinitsa se rendit à Moscou, au commencement de l’année 1863. Sous la présidence du pseudo-métropolite se tint, aux portes de la seconde capitale, un concile général, un concile œcuménique, disaient les vieux-ritualistes, des évêques et des délégués de toutes les communautés starovères. Dans ce concile de marchands, de moines et de prêtres transfuges, furent arrêtés les statuts de la nouvelle hiérarchie. Le schisme, enfin pourvu d’un épiscopat, semblait s’être définitivement constitué en Église une et autonome, lorsque des querelles intestines vinrent déchirer cette unité. En retrouvant un clergé indépendant, les vieux-croyants de Rogojski se trouvèrent en face de résistances et de prétentions inattendues de la part de leur nouveau clergé. Les laïques, habitués à régner en maîtres dans leur Église, ne rencontrèrent point toujours, dans leur hiérarchie improvisée, la même docilité que jadis chez les prêtres dérobés à l’orthodoxie officielle. Le concile de Rogojski ayant décidé la nomination d’un prélat qui fût en Russie, le vicaire du métropolite de Bélokrinitsa, le nouveau chef de l’Église, déjà