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Les popovtsy ont un clergé, et ce clergé n’est plus emprunté à l’Église orthodoxe, il n’est plus composé de popes transfuges ou dégradés. La popovstchine a ses évêques, elle a sa hiérarchie indépendante, et, par une combinaison hardie, la tête de cette hiérarchie a été placée à l’étranger, hors de la portée de la puissance russe. Toutes les tentatives des starovères pour se procurer un épiscopat demeurèrent longtemps infructueuses. Un historien orthodoxe assure que, dans leur désespoir de découvrir une main vivante pour leur consacrer des évêques, certains vieux-croyants proposèrent d’avoir recours à la main d’un mort[1]. Le projet n’eut point de suite. « Quand sa main serait placée sur la tête du candidat à l’épiscopat, la bouche de l’évêque défunt demeurerait muette, firent observer les plus timides, et qui de nous a le droit de prononcer la prière épiscopale pendant l’imposition des mains ? » Plusieurs fois des communautés schismatiques en quête d’un prélat avaient été dupes de hardis imposteurs. La manière dont, après deux siècles d’attente, les popovtsy ont retrouvé une hiérarchie ecclésiastique est un des épisodes les plus curieux de l’histoire religieuse du dix-neuvième siècle.

C’est à l’aide d’alliés sur lesquels ils ne comptaient point, alliés dont la plupart d’entre eux eussent désavoué le concours, que les dissidents sont parvenus à réaliser leur long rêve de hiérarchie indépendante. Les Vieux-Moscovites, les hommes les plus nationaux et les plus conservateurs de l’ancienne Russie, ont rencontré pour auxiliaires les promoteurs de la révolution cosmopolite et les ennemis de la grandeur russe. Au commencement du règne

    de l’instruction publique. Ce fut l’occasion de sa chute. S’étant trouvé presque seul de son avis au comité des ministres, le comte Tolstoï avait, paratt-il, donné à entendre que ses collègues étaient achetés par les raskolniks. À la suite de l’émoi suscité par cette affaire, il dut abandonner son double portefeuille, pour revenir au pouvoir, quelques années plus tard, comme ministre de l’intérieur, sous Alexandre III.

  1. Mgr Philarète de Tchernigof, Istoriia Rousskoï tserkvi.