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clinaient, selon l’ancien usage russe, comme ils s’inclinent devant leurs images, en pliant le corps en deux. Tout le luxe de Rogojski a été réservé pour les églises. La plus grande, l’église d’été, est haute et spacieuse ; les murailles et les coupoles en sont couvertes de peintures comme à l’Assomption de Moscou. Beaucoup des images sont anciennes, les vieux-croyants payant fort cher ces vieilles icônes qui font de leurs églises une sorte de musée archéologique. Ils nous les montraient avec soin, nous en faisant remarquer l’antiquité, distinguant en connaisseurs les imitations de style archaïque des peintures originales. Du reste, le culte pour les images est le même chez eux que chez les Russes orthodoxes ; leurs Vierges sont couronnées des mêmes diadèmes de pierres précieuses. Toute la différence est que les vieux-croyants n’admettent que d’anciennes images, ou des images copiées sur les anciennes. Après les peintures on nous fit voir les vieux livres slavons, les missels dont le texte sert de témoin contre la liturgie nouvelle. À Rogojski, comme dans toutes les églises du rite grec, l’autel était caché derrière la haute muraille de l’iconostase ; mais là s’offrit à nos yeux un spectacle inattendu. Les portes de l’iconostase étaient fermées par des lanières de cuir où était appliqué le sceau impérial. L’entrée du sanctuaire demeurait scellée, en sorte que l’église des vieux-croyants n’avait point d’autel. « Nous ne pouvons plus célébrer la messe, nous dirent-ils, il faut nous contenter des offices qui se peuvent réciter sans prêtre. Nous avons notre clergé, mais il nous est défendu de nous en servir ici ; on veut nous imposer des popes nommés par le synode de Pétersbourg, et nous refusons leur ministère. » Ainsi, dans leur métropole, les popovtsy en étaient réduits à un office sans sacerdoce, comme leurs adversaires les bezpopovtsy[1].

  1. Les scellés mis sur les autels de Rogojski onl été levés, en 1880, malgré l’opposition du comte D. Tolstoï, alors procureur du Saint-Synode et ministre