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à la faveur des règnes tolérants de Catherine II et d’Alexandre Ier, devait être mise en péril en se dévoilant. Les cimetières se virent reprocher différents délits, ils furent compromis dans des procès de succession et de captation, ils entendirent lancer contre eux la grande accusation faite à toutes les institutions de ce genre : on dit qu’ils formaient un État dans l’État. Rarement, il est vrai, ce reproche tant prodigué avait été mieux mérité. Sous l’empereur Nicolas, une enquête vint porter aux cimetières un coup dont ils n’ont pu entièrement se relever. Leurs fonds furent confisqués, leurs bâtiments séquestrés. Un commissaire du gouvernement fut imposé à l’administration de leurs hospices, et dans les églises, où, pendant un demi-siècle, avait été célébré le service des deux grandes branches du schisme, officièrent des prêtres du Saint-Synode.


J’ai, dans un de mes voyages à Moscou, visité Rogojski, le centre de la popovstchine. Avec ses murailles et ses différentes églises, l’établissement raskolnik ressemble fort aux grands couvents orthodoxes. On éprouvait en entrant une impression de tristesse et d’abandon ; le cimetière, planté d’arbres, avait l’air pauvre et mal entretenu ; on sentait partout quelque chose de pénible et de contraint, Rogojski possède un hôpital et un asile pour les vieillards semblable aux établissements de nos Petites-Sœurs des pauvres. L’asile, à l’époque de ma visite, contenait une centaine d’infirmes de chacun des deux sexes ; les salles étaient nombreuses, mais basses et petites. L’hôpital paraissait plutôt humble et indigent pour les richesses attribuées aux vieux-croyants ; peut-être sont-ils rebutés par la surveillance de l’État, peut-être craignent-ils de trop montrer leurs ressources. Partout se voyaient de vieilles images devant lesquelles étaient des hommes en prière. Tous ces gens, infirmes et infirmiers, vieillards et vieilles femmes, avaient un air honnête et simple qui touchait. À notre passage dans les salles, ils se levaient et s’in-