Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cupations pratiques des vieux-croyants. Rien de plus conforme au goût national que le travail en commun sous l’autorité d’un supérieur élu. On tient beaucoup dans ces skytes à la bonne économie domestique, « au ménage » (khoziaïstvo), comme disent les Russes ; les supérieurs se font autant d’honneur de ces soins matériels que de l’intelligence des choses sacrées. Un des héros de Petchersky, Potap Maksimytch, ne veut pas croire aux accusations contre le P. Mikhaïl, parce que tout est en ordre dans sa communauté. Les riches marchands moscovites, qui dotent ces skytes « pour le salut de leur âme » et se font un devoir d’y faire élever leurs filles, se complaisent à y trouver tout en règle, à y voir partout régner la propreté et l’abondance. Ils y recherchent la satisfaction de leur goût, on pourrait dire de leur sentiment esthétique, aussi bien que de leur sentiment moral. Ils jouissent en amateurs des vieilles icônes et des vieux manuscrits prénikoniens ; ils savourent les vieilles hymnes chantées par de fraîches voix de femmes ; ils admirent les broderies à la russe et les savants ouvrages à l’aiguille des nonnes et des bélitses[1]. Un des attraits de ces couvents, c’est, paraît-il, ces jeunes bélitses. Le mariage ne leur est pas interdit, mais elles ne peuvent, dit-on, se marier « qu’à la dérobée ». Aussi, derrière les murs des skytes se noue-t-il parfois des romans. À en croire les profanes, ils abritent des intrigues peu édifiantes. Les obitéli du raskol cherchent avant tout à éviter le scandale. Les jeunes brebis égarées y trouvent un asile discret, et les enfants du péché y sont élevés comme orphelins.


La métropole religieuse des raskolniks, popovtsy ou sans-prêtres, est aujourd’hui Moscou. Les skytes relégués aux extrémités de l’empire ou dispersés dans les provinces ne pouvaient toujours suffire à la direction des affaires du

  1. Bélitsa, novice, de bélo, blanc.