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fluence qu’ont eue les puritains sur l’Angleterre des Stuarts. Confiné en lui-même, absorbé dans la contemplation du passé, isolé d’une civilisation qui s’imposait malgré lui à sa patrie, le raskol est demeuré dans le peuple comme une protestation stérile ; il est resté impuissant à doter la Russie d’un idéal politique, sinon d’un idéal moral.

À la force que donne la moralité s’ajoute chez les vieux-croyants la force de l’argent, ici encore, il y a des causes spéciales au raskol, et des causes générales tenant à la situation des raskolniks. Cette aptitude à s’enrichir est, en partie, une conséquence de la supériorité morale, et, comme celle-ci, peut tenir à certaines croyances, à certaines préventions du schisme. Le starovère, qui ne fume pas, qui boit peu, arrive plus vite à l’aisance par la sobriété et l’économie. Ce n’est là pourtant qu’une explication incomplète. Il y a une raison plus haute, une raison qui se rencontre chez la plupart des religions, chez la plupart des races longtemps tenues dans un état d’infériorité. Par la persécution, par les lois d’exclusion, les sectes opprimées, contraintes à se désintéresser des affaires publiques, sont rejetées vers les affaires privées, vers le commerce. Chez elles, les capacités financières ou commerciales, fortifiées par l’exercice et accumulées par l’hérédité, finissent par devenir comme un don naturel, une faculté innée. Les Juifs dans le monde entier, les Arméniens en Orient, les Parsis dans l’Inde, les Coptes en Égypte, offrent des exemples divers de la même loi. Le raskol est trop récent, un trop grand nombre de ses adhérents appartient aux classes rurales, pour qu’une semblable adaptation soit aussi marquée et aussi générale chez les raskolniks. Ce qu’on peut affirmer, c’est que, chez eux, l’esprit positif et les qualités mercantiles du Grand-Russe se sont d’autant mieux manifestés que, pour être libres, ils avaient besoin d’être riches. La corruption de l’administration impériale les contraignait à recourir à la clef d’or qui ouvrait toutes les portes. Les premiers peut-être