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CHAPITRE IV


Du nombre des raskolniks, Difficulté de le connaître. Peu de valeur des statistiques officielles. Raskolniks déguisés. Prestige du schisme sur l’homme du peuple. — Répartition géographique du raskol. Comment il se recrute surtout parmi les Grands-Russiens. Des vieux-croyants comme agents de colonisation. Leurs colonies en dehors de l’empire. — La force du schisme n’est pas tout entière dans le nombre de ses adhérents. Supériorité morale des vieux-croyants ; elle ne tient pas uniquement à la religion. Leur prospérité matérielle. Quelles en sont les causes. Importance des raskolniks dans le commerce moscovite. Du rôle de l’argent dans leurs communautés. — De la culture des vieux-ritualistes. De quelle manière les besoins de la polémique leur ont donné le goût de l’instruction. Caractères de leur érudition. Comment l’instruction élémentaire ne suffit point à leur affranchissement întellectuel.


Quel est le nombre des raskolniks ? C’est la première question que suggère le raskol, et c’est la plus difficile à résoudre. Les statistiques officielles donnent le dénombrement des adeptes de tous les cultes professés dans l’empire ; les raskolniks y figurent à leur rang, mais le chiffre indiqué pour eux n’est même pas un chiffre approximatif. Les recensements accusent un peu moins de 1 500 000 raskolniks[1]. Les hommes les plus compétents, les statisticiens les premiers, sont unanimes à repousser, sur ce point, les données de la statistique, unanimes à les trouver notoirement inférieures à la vérité ; ils sont en désaccord sur le nombre à substituer au nombre reconnu. Pour avoir la force numérique réelle des dissidents, il suffit, selon quelques-uns, de doubler ou de tripler le chiffre officiel ; selon

  1. Vers 1835, les relations synodales ne comptaient pas tout à fait 480 000 sectaires ; et l’on prétendait en convertir des milliers chaque année.