Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blait, pour ainsi dire, mort-né. Comment sortir de l’extrémité où il s’était laissé acculer ? Ne voulant pas revenir en arrière, il n’avait devant lui que deux issues : admettre les prêtres consacrés par une Église qu’il réprouvait, ou se passer de clergé, bien que, sans clergé, il ne pût célébrer le culte pour lequel les vieux-croyants s’étaient révoltés. Les deux solutions étaient presque aussi contradictoires l’une que l’autre ; elles eurent chacune leurs partisans. Au premier obstacle, le schisme se divisa en deux groupes qui, depuis deux siècles, demeurent hostiles. « Il n’y a pas de christianisme sans sacerdoce, disaient les uns. Pour avoir suivi l’hérésie de Nikone, l’Église russe n’a pas perdu les pouvoirs apostoliques, la chirotonie, le droit de consacrer des évêques et des prêtres par l’imposition des mains. Leur ordination étant valable, pour avoir un clergé, nous n’avons qu’à ramener à nous et aux anciens rites les prêtres de l’Église officielle. » — « Non, répliquaient les autres, en quittant les anciens livres, en anathématisant les anciennes traditions, « la secte nikonienne » a perdu tout droit à la succession apostolique. Le clergé officiel n’est plus une Église, c’est « la synagogue de Satan ». Toute communion avec ces ministres de l’enfer est un péché, la consécration de ces évêques apostats une souillure. En adhérant aux anathèmes des prélats russes contre les vieux rites, les patriarches orientaux ont partagé leur hérésie. Avec la chute de l’épiscopat a péri l’orthodoxie ; il n’y a plus de succession apostolique, plus de sacerdoce légitime. »

Dès la première génération, le raskol se trouvait ainsi coupé en deux partis : les popovtsy, qui gardent des prêtres, et les bezpopovtsy, ou sans-prêtres, qui repoussent tout sacerdoce. Pour avoir encore un clergé, les popovtsy étaient obligés de recourir à des transfuges de l’Église officielle, et par là restaient dans sa dépendance. Nous verrons comment, au milieu du dix-neuvième siècle, ils ont réussi à se procurer un épiscopat et toute une hiérarchie ecclésias-