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couvent. Le clergé blanc a été enfin affranchi d’une des servitudes qui pesaient sur lui ; sa vocation, mise à l’abri des coups du hasard, ne dépend plus que de sa vertu et non de la vie d’une femme.

Les obstacles que la tradition apporte au libre mariage des prêtres, elle les met au choix des évêques parmi les prêtres mariés. La discipline ne permet point la promotion d’un homme marié à l’épiscopat. S’il n’y avait là qu’une habitude nationale, elle aurait déjà succombé sous les instincts démocratiques des Slaves modernes, qui sont portés à reprocher au clergé noir d’être une sorte d’aristocratie en même temps qu’une institution du moyen âge ; mais il y a là une coutume séculaire de tous les pays de rite grec. Ses défenseurs l’appuient sur un texte de l’Écriture, texte qui semble, il est vrai, en contradiction avec la loi en faveur de laquelle on l’invoque, ou ne se réconcilie avec elle que par une subtile interprétation[1]. Si, entre le pope et la crosse épiscopale, il n’y avait d’autre barrière, le clergé blanc l’aurait bientôt franchie ; il y a les canons, la tradition, la pratique générale des Églises orthodoxes, et jusqu’ici on les a respectés. Cette règle aboutit assurément à des conséquences bizarres ; en forçant à prendre les dignitaires ecclésiastiques parmi les moines, elle a donné à l’état monastique une direction opposée à l’esprit de son institution. Au lieu d’une vie de renoncement et d’humilité, elle en a fait une carrière d’ambition : le vœu de pauvreté est devenu la porte de la fortune. Par contre, on ne saurait nier que, depuis l’introduction de la foi chrétienne à Kief, c’est le clergé noir qui a personnifié la tradition orthodoxe ; c’est lui qui, vis-à-vis des autres Églises orientales, représente le mieux le côté œcuménique, catholique de l’orthodoxie. Abandonnée au clergé blanc, plus exclusive-

  1. « Il convient que l’évêque soit irréprochable et qu’il n’ait été marié qu’une fois. » (1re épître à Timothée, iii, 2.) L’épître à Tite (ii, 6) dit la même chose du prêtre à peu près en mêmes termes. Selon les interprètes, la première épouse de l’évêque étant l’Église, il n’en peut avoir d’autre.