Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

struction primaire et défiants de ses résultats ; Alexandre III et M. Pobédonostsef ont demandé la solution du problème à la religion et à l’Église. Placer le clergé à la tête de l’école, c’était en relever le rôle ; c’était aussi en améliorer la situation matérielle en ajoutant à ses ressources ecclésiastiques une indemnité scolaire.

D’après le règlement de juin 1884, règlement élaboré par le Saint-Synode, les écoles paroissiales, ouvertes par le clergé orthodoxe, ont expressément pour but d’affermir dans le peuple les principes de la foi et de la morale chrétienne, en même temps que de lui donner les premiers éléments des connaissances utiles. On ne saurait nier qu’un enseignement ainsi fondé sur la religion soit le plus conforme aux goûts et aux mœurs du paysan. M. Pobédonostsef n’exprimait qu’une vérité d’expérience, en constatant dans ses rapports que, pour inspirer confiance au peuple, l’instruction doit s’appuyer sur l’enseignement religieux[1]. Le paysan russe désire entendre son fils chanter à l’église et lui lire, durant les longues veillées d’hiver, quelque livre de dévotion. C’est pour cela qu’il l’enverra le plus volontiers à l’école. En lui faisant apprendre à lire, il a peut-être moins en vue la vie et les avantages temporels que le bien de l’âme et le salut. Pour lui, comme pour notre moyen âge, la science ne doit être que la servante de la foi ; il ne l’estime qu’autant qu’elle se plie à cet humble office. Avec une pareille conception, avec les superstitions qui pèsent sur les campagnes, l’école religieuse peut bien être la plus capable d’arracher le moujik à « la Puissance des ténèbres ».

Les difficultés (en laissant de côté la question financière) ne viennent pas du peuple, mais plutôt du clergé. L’Église orthodoxe n’a jamais refusé ses ministres pour une pareille œuvre ; mais le prêtre russe en a-t-il la force ? le prêtre russe en a-t-il le loisir ? C’est ce que mettait en

  1. Rapport pour l’année 1884, publié en 1886.