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Le comte Dmitri Tolstoï, à l’époque où il cumulait les fonctions de haut-procureur et celles de ministre de l’instruction publique, s’était déjà attaché à multiplier les écoles de paroisses, placées sous la direction du clergé local. Un moment, vers le milieu du règne d’Alexandre II, ces écoles étaient, au moins sur le papier, montées au chiffre d’une vingtaine de mille. Mais, comme il arrive souvent en Russie, où la fatigue et la négligence suivent de près l’engouement, la décadence des écoles paroissiales avait été aussi prompte que leur faveur. La plupart avaient disparu devant les écoles laïques inaugurées par les états provinciaux (zemstvos)[1]. M. Pobédonostsef s’est donné pour mission de les relever. Sous son impulsion les écoles de paroisses ont, de nouveau, surgi de tous côtés. Aucun ministre de l’instruction publique n’a autant fait, à cet égard, que ce procureur du Saint-Synode. À cette collaboration de l’Église dans l’œuvre de l’enseignement populaire le gouvernement impérial a découvert un avantage moral et un avantage matériel. Il se flatte d’instruire le peuple à moins de frais et à moins de risques. Le prêtre, le diacre, le clerc ordonné par l’Église et placé sous l’autorité de l’évêque, lui paraît encore l’instituteur le plus sûr, comme le moins cher. Les premiers résultats de l’instruction primaire en Russie n’ont pas, on doit l’avouer, été fort satisfaisants. Là aussi, on a éprouvé la vanité du préjugé banal qui voit dans la diffusion de l’enseignement primaire un gage de moralité. Il s’en faut que la science de la lecture ou l’art de l’écriture aient toujours moralisé le moujik assez heureux pour avoir une école dans son village. On s’est, en même temps, aperçu que les paysans lettrés devenaient moins sourds aux revendications révolutionnaires. Le gouvernement russe a tenté ce que, à d’autres époques, ont fait d’autres gouvernements, eux aussi conscients de l’utilité de l’in-

  1. Voyez tome II, liv. III, chap. ii, p. 203-207 (2e édit.).