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les femmes, selon le système mis en usage par le servage. On calculait que chaque âme mâle pouvait être assujettie à donner au pope 1 rouble, ce qui eût fait à l’église un revenu de 1000 roubles. Dans un État où des contrées ne comptant que 35 habitants par kilomètre carré figurent parmi les régions les plus peuplées, des paroisses de 2000 âmes seront toujours bien vastes. Que serait-ce des provinces du nord ou de l’est, où certaines paroisses dépassent en étendue nombre de diocèses d’Italie ou d’Orient ! Aujourd’hui déjà les paroisses russes sont, en général, formées de plusieurs villages, parfois d’une dizaine de hameaux, souvent fort éloignés les uns des autres. La religion et l’État ont intérêt à ne point laisser le paysan à trop de distance de son église. Les dimensions des paroisses rurales mettent déjà le culte officiel hors de la portée d’une partie du peuple ; par là même, elles tournent au profit du raskol, au profit surtout des sectes qui se passent de prêtres, des bezpopovtsy. Aussi ne saurait-on s’étonner que le gouvernement et le Saint-Synode aient renoncé à poursuivre la diminution du nombre des paroisses et des prêtres. Nous l’avions prévu à l’époque où ce système était en vogue[1]. Les fidèles s’en sont montrés mécontents. Le clergé n’en a même pas retiré les avantages matériels qu’on s’en était promis. L’église, étant trop loin, a été moins fréquentée, et les offrandes ont baissé d’autant. On s’est aperçu qu’éloigner le prêtre de ses paroissiens, c’était éloigner le peuple de la religion.

La diminution du nombre des ecclésiastiques revêtus du sacerdoce présente les mêmes inconvénients que la diminution des paroisses, d’autant que, à l’inverse du prêtre catholique, le pope russe ne célèbre jamais qu’une seule messe ; il n’est jamais autorisé à « biner ». L’empire ne compte point 35 000 prêtres orthodoxes : pour un tel

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes, p. 830 : 831, 13 juin 1874.