Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyennant finance, la conscience des couples qui ne peuvent s’unir légalement[1]. Dans les contrées écartées, en Sibérie spécialement, certains popes, non contents de fouler leurs prosélytes indigènes, se livrent à toutes sortes de commerce[2].

Les exigences pécuniaires du clergé sont si connues que, en mainte contrée, elles constituent un obstacle au progrès de l’orthodoxie. « La foi russe est trop chère », répondent aux convertisseurs certains indigènes de Sibérie. « Le pope est trop avide, disent de leur côté les raskolniks, les sacrements sont trop dispendieux. » Cette considération toute matérielle n’a pas été étrangère au succès de quelques-unes des sectes les plus récentes, les Stundistes, par exemple. Plus d’un moujik en est venu à se persuader de l’inutilité des sacrements, à la suite d’une dispute avec le prêtre sur le prix d’une cérémonie. L’un des sectaires les plus en vue de cette fin de siècle, Soutaïef, n’avait pas débuté autrement.

De telles habitudes ont fait accuser l’Église orthodoxe de simonie. Le reproche serait plus juste en Turquie, où les hautes dignités ecclésiastiques s’achètent de la Porte ou des pachas : le clergé est obligé de rançonner les fidèles pour payer ses maîtres musulmans. En Russie, du moins, le troupeau n’est tondu que pour l’entretien du pasteur. Le clergé, qui vit des offrandes de ses paroissiens, ne leur peut faire remise des redevances qui sont le pain de ses enfants. Il ne reconnaît point aux indifférents ou aux dissidents la liberté de se soustraire aux taxes de l’Église ; ce serait frustrer ses ministres ou accroître les charges des paroissiens fidèles. Pour ne pas profiter des cérémonies orthodoxes, le raskolnik est souvent tenu d’en payer au prêtre la rançon. De là des compromis pécuniaires entre les curés et les sectaires. Le clergé levait les droits qui lui revenaient, sans tenir compte des opinions de ceux qui les lui devaient,

  1. Voyez Leskof : Mélotchi arkhiéreiakoï jizni.
  2. Le voyageur Maksimof cite de nombreux exemples de ces prêtres marchands.