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des jeunes gens, après leur prise d’habit, passer presque subitement du banc de l’élève à la chaire du maître, puis bientôt quitter celle-ci pour les hautes dignités.

Avec tous ses défauts, l’instruction offerte dans les séminaires et les académies de théologie a l’avantage (certains diraient l’inconvénient) d’être moins spéciale, moins exclusivement ecclésiastique qu’en d’autres pays. Les programmes seraient remplis que le clergé russe serait le plus instruit et le plus éclairé du monde. S’il ne l’est point, il n’est guère inférieur à certains clergés de l’Occident ; il est supérieur à la plupart des clergés d’Orient, unis ou non à Rome. Les connaissances du plus grand nombre des prêtres les mettent encore au-dessus du milieu où ils vivent, et si la plupart en tirent peu de parti, la faute en est moins à l’enseignement du séminaire qu’au poids déprimant de la vie du pope. L’instruction des diacres et des clercs inférieurs est plus faible ; les plus vieux de ces derniers savent à peine lire le slavon et récitent leur office par cœur. Le temps est loin cependant où le patriarche Nikone se faisait taxer d’exigence en prétendant que tous les clercs sussent lire : encore aujourd’hui tous les sonneurs ou sacristains le savent-ils en Occident ?


L’ignorance n’est point la principale plaie du clergé russe, c’est la pauvreté ou plutôt le manque de moyens d’existence indépendants. Le clergé paroissial n’est point salarié ou ne l’est que d’une façon insuffisante. Un tiers seulement des popes touche une allocation de l’État, et ces privilégiés ne sauraient vivre de ce que l’État leur donne. Les provinces où les cultes étrangers ont de nombreux adhérents sont les seules où les prêtres orthodoxes reçoivent un traitement sérieux. Dans ces régions, la politique unit l’intérêt de l’orthodoxie à l’intérêt national ; elle empêche l’État de laisser le pope à la charge de son troupeau. Alors même le curé russe ne reçoit guère plus de 300 roubles : avec cela, le pope, père de famille, se trouve encore souvent dans