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demeure enfermée dans son couvent ; si elle n’est pas strictement cloîtrée, il lui faut, pour sortir, une permission de l’abbesse[1].

Par leur défaut de spécialité et leur manque de groupement, les couvents russes des deux sexes ont une naturelle analogie ; par leur composition et leur mode de recrutement, ils présentent un remarquable contraste. Le clergé, qui fournit plus de la moitié des moines, ne donne guère que le demi-quart des religieuses.

La noblesse et les professions libérales apportent aux couvents de femmes un contingent presque aussi élevé que celui des familles sacerdotales. La raison en est simple : pour les filles du clergé, comme pour les autres, le monastère n’est qu’une retraite ; pour les fils de popes, c’est une carrière. La plupart des nonnes orthodoxes sortent de la classe des marchands ou des petits bourgeois (mechtchané). Pour y être moins nombreuses qu’en Occident, les femmes du monde ne sont pas rares au couvent. Plus d’une y vient chercher un abri contre le chagrin ou la passion, telle que la pâle religieuse rencontrée par Théophile Gautier à Troïtsa, telle que la Lise de Tourguénef, qui, entre elle et l’homme qu’elle aime, met l’infranchissable barrière du voile. Pour la femme plus encore que pour l’homme, le cloître reste l’hospice des douleurs morales. Tant que son âme aura des générosités que la vie ne sait employer, tant que son cœur aura des blessures dont il ne voudra guérir, les couvents sont assurés de ne pas demeurer vides.

Les monastères de femmes vivent généralement du travail des religieuses ou d’aumônes. Des Sœurs quêteuses voyagent pour recueillir les offrandes des bonnes âmes. Les nonnes n’ayant pas d’église à desservir, les exercices

  1. Dans la Rous primitive, les précautions prises vis-à-vis des religieuses étaient telles que, d’après un récent historien, les aumôniers des monastères de femmes devaient être eunuques (Goloubinsky, Istoriia rousskoï tserkvi, t. II, p. 529 ; L. Léger, Chronique dite de Nestor, 304).