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bation aux congrégations de femmes qui exigent des vœux perpétuels.

Le nombre des femmes qui prennent le voile est, depuis un siècle, en progression sensible. En 1815 il n’y avait dans l’empire que 91 couvents, avec moins de 1700 religieuses professes. Vers 1870 la Russie ne comptait encore que 11 000 nonnes ou novices, réparties en 148 monastères. Une quinzaine d’années plus tard, en 1886, le chiffre des femmes vouées à la vie religieuse était monté à près de 17 000, et le nombre de leurs couvents à 171. Quoiqu’il y ait encore loin de là aux 120 000 ou 130 000 Sœurs de toute robe possédées par la France, on voit qu’en Russie, comme partout de nos jours, c’est sur la femme que le cloître exerce le plus d’attraction.

En dehors des novices ou des nonnes qui portent la robe à traîne de la religieuse orthodoxe, la Russie compte quelques milliers de béguines ou tchernitsy, c’est-à-dire femmes vêtues de noir. Ces tchernitsy, sorte de chanoinesses plébéiennes, vivent en commun, dans le célibat et dans le jeûne, sans faire de vœux, gardant chacune son pécule et sa liberté. Elles sont, d’habitude, fort respectées du peuple ; on prétend que beaucoup d’entre elles ne revêtent la robe sombre de tchernitsa que pour vivre indépendantes de leurs familles. Pour ces filles du peuple, chez lequel la femme est encore tenue dans un servage oriental, cette profession de piété est un procédé d’émancipation. Quand une fille d’artisan ou de paysan veut se faire tchernitsa, il est d’usage de lui abandonner la part de l’avoir commun qui doit lui revenir à la mort de ses parents[1]. Ce sont ces béguines que l’on rencontre quêtant dans les rues ou à la porte des églises, coiffées d’un épais bonnet rond avec de grandes oreilles. La religieuse

  1. Vestnik Evropy, juin 1879, étude signée : P…sky. Comparer, pour les béguinages de la Grèce et de la Bulgarie, M. d’Estoumelle de Constant, La vie de province en Grèce ; et Muir Mackenzie et Irby, Travels in the Slavonic provinces of Turkey, t. II, 146.