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persistent à trouver la prière et la sainteté supérieures au travail et à toutes les bonnes œuvres, on voit que les religieux russes ne sont pas toujours oisifs et inutiles. L’opinion forcera l’Église à être, pour eux, de plus en plus exigeante, si toutefois on laisse subsister assez de moines pour leur permettre des loisirs en dehors du service du culte.

Moins nombreux que les couvents d’hommes, les couvents de femmes sont d’ordinaire plus peuplés. Au premier abord, les statistiques officielles semblent indiquer moins de religieuses que de religieux ; à y bien regarder, on voit que, dans les cloîtres, le nombre des femmes dépasse celui des hommes. La loi ne les admettant aux vœux monastiques qu’à quarante ans, la statistique ne compte comme religieuses que les filles ayant dépassé cet âge. Les règlements qui, depuis Pierre le Grand, interdisent aux jeunes filles la profession monastique ne leur défendent pas l’entrée du cloître. Elles y vivent comme novices et restent libres de rentrer dans le monde et de se marier. Beaucoup, préférant cette liberté, vieillissent au couvent sans faire de vœux. Ces novices ou sœurs laies (ce qui, dans les couvents russes, est d’ordinaire synonyme) sont ainsi deux ou trois fois plus nombreuses que les religieuses professes, dont elles partagent la vie. Il peut sembler bizarre d’exiger, pour des vœux monastiques, quarante ans d’un sexe alors qu’on n’en demande que trente à l’autre. C’est que le législateur a voulu laisser la vie de famille toujours ouverte aux jeunes filles, ne leur permettant le vœu de virginité que lorsqu’elles ont passé l’âge de la maternité. Il y a là, vis-à-vis de la femme, de ses engouements et de sa mobilité, une précaution d’autant moins excessive que l’Église orthodoxe n’a point de couvents admettant des vœux temporaires. L’État y supplée en imposant un long noviciat. C’est pour des raisons semblables qu’aujourd’hui, dans l’Église catholique, la cour de Rome accorde difficilement son appro-