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De ces revenus monastiques de provenance si diverse, une partie, nous l’avons vu, va aux métropolites ou aux archevêques, à ce que nous pourrions appeler la mense épiscopale des grands sièges. Le reste n’est pas toujours perdu pour le pays : la bienfaisance publique ou l’instruction populaire en ont déjà leur part. Comprenant que le meilleur moyen de défendre leurs revenus était d’en faire un noble usage, le clergé noir et les monastères ont commencé à faire d’eux-mêmes ce que leurs adversaires prétendaient leur imposer. Beaucoup ont fondé des écoles, des asiles, des hôpitaux. Ce n’était pas toujours chez eux une innovation. Plusieurs avaient, dès le moyen âge, ouvert des refuges pour les pauvres et les mendiants. Aujourd’hui une bonne partie des sommes léguées aux couvents est affectée, par les donateurs mêmes, à la création d’établissements d’enseignement ou de charité. Outre des écoles et des orphelinats pour les enfants des deux sexes, Saint-Serge a fondé naguère un hôpital de femmes. D’autres ont construit des asiles pour les infirmes ou les vieillards. Il y a aujourd’hui plus de soixante hôpitaux attachés à des couvents ou entretenus à leurs frais.

Une chose distingue ces fondations monastiques des fondations analogues de l’Occident, c’est que toutes ces œuvres sont plutôt entreprises avec l’argent des monastères que par les mains des religieux. Les écoles, les refuges, les hospices, établis par les moines, sont souvent tenus par d’autres. Parfois même (ainsi pour l’hôpital de femmes élevé par Saint-Serge), les monastères abandonnent au clergé diocésain l’administration et jusqu’au service religieux des établissements fondés par eux. C’est que le caractère séculaire du monachisme russe persiste, et que ni l’Église ni l’État ne semblent désireux de l’en voir changer. Ils craindraient de laisser les moines s’écarter du vieil esprit de leur institut, et prendre, comme leurs frères d’Occident, une part trop large ou trop indépendante aux luttes de la vie et aux affaires du siècle. Les Russes qui